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Taxe sur la fast fashion: la Chine durcit le ton contre le gouvernement français

La proposition de loi sur l’empreinte environnementale de la mode, qui sera débattue au Parlement en mai et qui prévoit notamment une taxation accrue sur certains produits textiles importés, passe très mal en Chine, où médias et autorités sont vents debout contre un projet perçu comme « hostile » et particulièrement mal venu à l’aune de la guerre commerciale qui s’ouvre à l’échelle planétaire.

SHEIN et Temu dans le collimateur

Le projet de loi français repose sur une définition précise de la fast fashion, établie notamment en fonction du volume de nouveaux articles commercialisés chaque année. Une grille d’analyse qui permet de viser sans ambiguïté SHEIN et Temu, dont la présence sur le marché français s’est envolée.

En 2024, SHEIN est devenue la marque la plus achetée en France, selon une étude de Joko, tandis que Temu a vu ses ventes bondir de 178 % en un an. La rapporteuse du projet au Sénat, Sylvie Valente-Le Hir, assume pleinement cette stratégie ciblée : « La loi permet de cibler directement SHEIN et Temu. C’est ma priorité absolue ». Une déclaration qui n’a fait qu’attiser l’agacement de Pékin, y voyant une manœuvre hostile.

La riposte médiatique et académique chinoise

La presse chinoise n’a pas tardé à réagir. Chinanews accuse la France de se draper dans une rhétorique écologique pour dissimuler un objectif protectionniste : « Sous couvert de protection de l’environnement, cette loi cible directement les géants chinois du e-commerce. »

Le Global Times dénonce quant à lui une atteinte « extrême » à la liberté d’entreprendre et une « nouvelle forme de protectionnisme commercial », critiquant l’interdiction prévue de toute publicité et communication marketing pour les entreprises visées.

Pour Chen Jin, professeur à l’Université de commerce international et d’économie à Pékin, la démarche française s’inscrit dans une tendance inquiétante. « Les produits chinois ont acquis un avantage concurrentiel en termes de technologie, de qualité et de prix, tandis que les industries d’autres pays se sont affaiblies, ce qui a entraîné des mesures protectionnistes », souligne l’expert.

Chen Jin ajoute que le projet de loi viole les principes de libre-échange, d’équité et de non-discrimination de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), et pourrait justifier des actions diplomatiques ou juridiques. « Les entreprises chinoises doivent défendre leurs droit, et le gouvernement chinois peut déposer des plaintes auprès de l’OMC pour faire respecter les règles commerciales multilatérales et garantir un concurrence loyale », insiste-t-il

Pékin montre les muscles

Au-delà des mots, la Chine agite désormais la menace d’actions concrètes. Si la loi entre en vigueur, Pékin envisage des contre-mesures ciblées. Plusieurs entreprises françaises pourraient en subir les conséquences, à commencer par les géants du luxe. LVMH, par exemple, a généré en 2023 plus de 26 milliards d’euros de chiffre d’affaires en Asie.

 

La Chine est également un marché clé pour Décathlon. Selon la PDG Barbara Martin Coppola, « la Chine est l’un des cinq premiers marchés mondiaux de Décathlon, et occupe une position unique et stratégiquement vitale à l’échelle mondiale ».

Le ministère chinois des Affaires étrangères rappelle l’importance des relations économiques bilatérales : « La France est le troisième partenaire commercial de la Chine au sein de l’Union européenne, tandis que la Chine est le premier partenaire asiatique de la France. » Un équilibre que cette loi pourrait fragiliser.

Un débat qui dépasse la mode

Les critiques ne se limitent pas aux aspects économiques. Le Global Times met en garde contre les effets sociaux de la législation, estimant qu’en taxant les vêtements à bas prix, elle pourrait « aggraver les inégalités sociales » en France. Le journal souligne que le panier moyen chez SHEIN ne dépasse pas 7 €, un niveau de prix accessible à de nombreuses familles modestes.

Par ailleurs, le projet français est accusé de négliger les véritables sources de pollution dans l’industrie textile, comme la surproduction et les chaînes d’approvisionnement. « La législation ignore les innovations au niveau de la production et se concentre uniquement sur des mesures punitives au niveau de la consommation, ce qui risque de renforcer le monopole technologique des entreprises européennes », indique Chinanews.

Escalade en vue ?

Ce nouvel épisode s’inscrit dans un contexte de tensions croissantes entre la Chine et le Vieux Continent. En octobre 2024, peu après l’adoption par l’UE d’un projet de sanction sur les véhicules électriques chinois, Pékin avait imposé une mesure antidumping provisoire sur le brandy européen, demandant aux importateurs de verser un dépôt supérieur à 30% de la valeur des ventes.

« La Chine espère que la France respectera les principes du commerce multilatéral et l’autorité de l’OMC pour créer un environnement équitable. Si aucune solution raisonnable n’était trouvée, les contre-mesures seraient inévitables », conclut Chen Jin.

Le message de Pékin est clair ; si Paris persiste dans sa volonté de légiférer contre la fast fashion, les entreprises hexagonales pourraient être les premières victimes d’une riposte commerciale. Un scénario d’escalade que ni la Chine ni la France n’ont objectivement intérêt à alimenter.

Car au-delà d’une bataille autour de la fast fashion, c’est une confrontation plus large sur les règles du commerce international qui se profile. Un bras de fer sur fond de recomposition des chaînes de valeur mondiales, de transition écologique… et de rivalité numérique.

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